Fabrique à Nuage
Le train quitte la gare d’Avignon et je laisse errer mon regard au loin; au bout de quelques minutes mes yeux se posent sur les 2 cheminées de la centrale nucléaire de Tricastin. Un regard suffit pour faire rejaillir le feu des souvenirs que je croyais perdus. Je me rappelle le sentiment d’admiration que j’avais pour celle, enfant, que j’appelais alors la fabrique à nuage. Je me souviens aussi, de cette visite scolaire de sixième au coeur de la centrale qui m’a fasciné en même temps qu’elle a marqué mon éveil scientifique.
Mais que s’est-il passé ces trente dernières années, pour que cette espoir technologique nous ait été interdit et les rêves qui l’accompagnaient, anéantis ?
J’avais 7 ans quand la centrale de Tchernobyl a explosé.
Avec un peu de recul, j’ai l’impression que la catastrophe de ce 26 Avril 1986 n’est pas tant l’explosion du réacteur malgré l’horreur sanitaire et écologique, mais bien le désaveu totale d’une technologie nouvelle et pourtant promue à un bel avenir.
Tchernobyl a accentué la diabolisation du nucléaire civil. Cette catastrophe a stoppé nette les espoirs de tout une génération (la mienne) et anéanti les rêves d’une énergie nouvelle. Des conséquences dont nous payons aujourd’hui les frais.
En 30 ans la filière du nucléaire s’est quasiment éteinte, enterrée par par la pression des mouvements écologiques qui se sont, un temps, trompés de cible. L’accent, porté alors sur le sujet réel du recyclage des déchets nucléaires, a éclipsé le vrai problème, plus imminent, des gaz à effet de serre.
Cette stigmatisation a été renforcée aussi par l’amalgame presque inconscient entre l’arme atomique et la centrale nucléaire, en partie basées sur les même processus physiques. La monstruosité d’Hiroshima et de Nagasaki, les essais nucléaires, la menace Russe nourrissent un imaginaire qui ne plaide pas en faveur de cette technologie alors que les conséquences sont sans aucune mesure. Si les bombes sont construites pour amplifier la réaction, les centrales sont théoriquement pensées pour la contenir.
Aujourd’hui en tout cas, alors que le consensus sur le réchauffement planétaire est avéré, des voix scientifiques comme celle de Jean-Marc Jancovici s’élèvent pour nous éveiller sur l’urgence climatique et rendre à la filière électronucléaire ses lettres de noblesse. S’il y a encore quelques décennies, il n’était pas évident peut-être de discerner les vrais combats, aujourd’hui il n’y a plus aucun doute et il faut agir sans plus attendre.
Dans l’idéal, on voudrait pouvoir produire de l’énergie à l’infini, bon marché, sans incidence, sans résidu et sans risque. La vérité c’est que ca n’existe pas, il va falloir faire des compromis et il faut bien réaliser, que le nucléaire reste le meilleur choix.
Cette transition énergétique devra s’accompagner d'une nouvelle manière de consommer qui va impliquer pour chacun, et moi le premier, un changement profond mais nécessaire de nos modes de vie.
A nous de jouer !